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Départ pour l'Algérie [14378]

Film amateur | Bretagne
Des appelés du contingent montent dans le train. Le train quitte la gare, les appelés passent la tête par les fenêtres. Le train est à l'arrêt, discussion entre les appelés et deux machinots de la locomotive. Chemin de fer.
La gare de Cavaillon. Passage à Martigues.
Une caserne, dépôt des isolés métropolitains, dépôt des isolés des troupes coloniales.

Départ du navire, occupations des militaires à bord.
Algérie, convoi militaire.
La ville de Bouira, en Kabylie. Campement militaire aux portes de la ville. Vie quotidienne des Algériens, des enfants collectent de l'eau. Une mosquée.
Un scorpion se débat d'une main jouant avec une branche. Le feu est mis au scorpion.
Un soldat monte sur l'âne d'un enfant, qui l'accompagne.
Un thermomètre indique 45°c.
Campement militaire avec vigie. Les montagnes en arrière-plan.
Un poste de contrôle invite à s'arrêter.
Depuis un hélicoptère, vues de la ville. L'hélicoptère vient atterrir dans un campement.

Dans un campement, des algériens sont amenés par camions (ils sont des centaines), Les militaires français sont armés. Panoramique du camp. Les Algériens descendent des camions pour rejoindre leurs compatriotes regroupés dans une partie du camp.

Cérémonie militaire du 14 juillet suivie d'un défilé.
Cap Djinet, une plage militaire interdite aux civils, le centre de repos du 20ème R.I. Départ des militaires, en camion, en train puis arrivée au port d'Alger pour un retour en France sur le Sidi Mabrouk. (Film sous-exposé, télécinéma 09db)
 
Ce film fait partie d'un corpus analysé par les historiens et enseignants Gilles Ollivier, Vincent Marie et Reynald Derain dans le cadre du dossier pédagogique D’un regard à l’autre : L’Algérie coloniale, la guerre d’indépendance au miroir des cinémas amateur et militant.
 
Le film aborde trois thèmes récurrents des films des soldats-cinéastes amateurs : les temps de loisir et de repos, le regard porté sur l’Algérien musulman, la guerre
Cependant, une partie de l’originalité des images est qu’elles traitent, entre autres, du voyage vers l’Algérie. Le titre du court métrage insiste d’ailleurs sur ce fait. Or il y a en général très peu de représentation de cela, exceptés chez les officiers et sous-officiers. Pour les hommes de troupe les conditions difficiles de la traversée de la Méditerranée, en cale ou sur le pont, par une mer agitée, notamment dans le golfe du Lion, ajoutée à la séparation et à l’incertitude de l’avenir, ne donne pas envie de filmer. Le retour, assimilé à une libération du soldat, depuis Alger est plus fréquent. De plus, au moment du départ et jusqu’à Alger, le sergent-chef Lemesle n’est pas encore conscient de ce qui l’attend. 
 
Le film s’ouvre très classiquement par le départ, ici depuis la caserne Charner de Saint-Brieuc, et il s’achève par l’éloignement du Sidi Mabrouk, navire qui transporte les soldats français depuis le port d’Alger. En TC 01:02:32:02, le départ du navire depuis Marseille est illustré par un vol de mouettes, l’écume de l’hélice à la poupe. Des plans dont la composition s’organise autour de cordages et de machines sont filmés. Cela évoque l’ennui de la traversée, confirmée par l’oisiveté de quelques hommes assis dans une chaloupe ou de ceux beaucoup plus nombreux sur le pont. En TC 01:04:12:04, un plan d’ensemble du front de mer d’Alger est pris depuis le navire qui s’éloigne, suivi de plans de la mer agitée jusqu’à la fin. On retrouve ce type d’images à propos du retour dans le film Algérie 1962, tournées par le sergent appelé Bertrand Chaudet. Les passages sur les navires, à l’aller et au retour, sont précédés de passages dans lesquels les soldats sont en train, vers Marseille et vers Alger. À chaque fois, cela donne l’occasion de travellings sur des paysages qui défilent et contemplés par les soldats transportés, qui pénètrent plus ou moins progressivement dans un territoire autre que le leur. 
 
Du début du film jusqu’au TC 01:02:32:02, on suit le voyage en train vers Marseille, depuis la montée des (r)appelés et un moment de convivialité avec les cheminots de la locomotive, par un passage dans les gares de Cavaillon et de Martigues, jusqu’à la caserne de dépôt des isolés métropolitains et des isolés des troupes coloniales, en instance d’affectation. Ce qui surprend ce sont les arrêts assez fréquents en dehors des gares : il s’agit d’éviter les manifestants contre la guerre d’Algérie qui à l’occasion peuvent inciter les soldats du contingent à quitter le train comme on peut le voir dans la fiction R.A.S. du cinéaste professionnel Yves Boisset, sorti sur les écrans en 1973. Dans le film du sergent-chef, les hommes semblent joyeux pendant le voyage vers Alger.
 
En TC 01:03:19:21 on suit le convoi militaire qui mène à Bouïra, lieu de casernement, le camp se trouvant aux portes de la ville. Un panorama de la ville est filmé depuis les hauteurs (TC 01:03:46:10). Rien ne permet par les images filmées de se rendre compte de ce que le sergent-chef ressent réellement. Les propos recueillis par l’historien Jean-Pierre Bertin-Maghit montrent ici le nécessaire complément de la parole de l’ancien soldat-cinéaste amateur, des dizaines d’années plus tard, afin de saisir un hors-champ qui laisse entendre une autocensure à l’époque : « Le trajet entre Alger et Bouïra a été déterminant : population hostile, fermes incendiées, récoltes à l’abandon, ponts sautés, véhicules abandonnés sur le bord de la route. Mes camarades et moi avons compris très vite que nous n’avions rien à faire là. » (Lettres filmées d'Algérie. Des soldats à la caméra. 1954-1962, Jean-Pierre Bertin-Maghit, p. 57).
 
Pour ce qui est de la pénibilité de la situation des hommes du contingent, seuls deux plans abordent l’aridité du milieu : un gros plan sur un thermomètre affichant 45°C (entre TC 01:06:11:23 et 01:06:18:11) et un gros plan sur un cactus (TC 01:04:43:23). Ces plans participent en même temps de la découverte d’un autre milieu, exotique aux yeux des jeunes Français mobilisés. L’exotisme, ou l’étrangeté dans l’ailleurs, se retrouve dans les plans des cigognes puis du scorpion (TC 01:05:14:11) et dans les plans rapprochés de la mosquée (TC 01:04:49:12 à 01:05:02:19).
 
Le sergent-chef n’étant pas dans une unité combattante, plus que la guerre c’est la présence militaire française qui apparaît par des plans du campement militaire au pied de la mosquée (TC 01:05:32:24 à 01:05:53:20), d’une vigie, avec en arrière-plan les cimes enneigés de la montagne, et d’un poste de contrôle (à partir de TC 01:06:42:04), d’un avion de reconnaissance et d’une vue aérienne en hélicoptère du camp militaire (à partir TC 01:07:36:17). Comme dans Algérie 1959-1961 de l’engagé Claude Consorti, la revue militaire dans la garnison puis le défilé du 14 juillet dans la rue principale de Bouira, rassemblant l’infanterie, dont des chasseurs alpins, l’aviation, les blindés, mais aussi bulldozer et grue, sous les fanions tricolores, cherche à affirmer la forte action militaire française, combattante et non combattante, dans la colonie algérienne. Elle continue de contribuer à la « pacification », alors que l’évolution de la situation politique est défavorable à la métropole française. Enfin, des plans sont relatifs à une plage militaire interdite aux civils et un centre de repos localisés au cap Djinet (TC 01:13:50:20 et 01:14:36:19)
 
On se rapproche de la « pacification » et finalement de la guerre par les images lors du regroupement de centaines d’hommes algériens amenés par camions et encadrés par les militaires français armés (entre TC 01:08:40:15 et 01:11:23:18). On manque d’information ici : s’agirait-il d’un des camps de regroupement créés à partir de 1957 par les autorités françaises pour lutter contre la guérilla du Front de libération nationale (FLN) afin de le priver des moyens que la population civile rurale pourrait, dans certains endroits, lui accorder ? 
 
Le rapport des militaires à la population civile algérienne est ambivalent dans le film. Si les deux groupes partagent l’eau pour se laver et laver le linge, si sur un point d’eau deux enfants sur trois ont bien volontiers un regard caméra (TC 01:04:07:08 à 01:04:12:04), si un soldat s’amuse sur un âne à la joie d’un enfant, il y a contraste avec l’utilisation de l’âne et du cheval comme moyens quotidiens de locomotion et de transport par la population rurale algérienne, filmée d’assez loin. Pour autant, nous ne sommes pas dans le folklore ni dans les stéréotypes de la propagande coloniale. Le sergent-chef semble plutôt avoir trouvé la bonne distance vis-à-vis de la population.
Dès 17 ans, équipé d’un appareil photographique puis d’une caméra (une Ercsam 9,5 mm) qu'il utilise pour des reportages lors de voyages avec ses parents, Roland Lemesle a l’habitude de faire des montages et du titrage.

Deux ans après avoir fait son service militaire (de 1952 à 1954) comme instructeur dans les transmissions radio sur le matériel américain qui équipe alors l'armée, il est rappelé pour une période en Algérie en 1956 comme chef d'atelier radio dans la vingtième division d’infanterie stationnée à Bouïra, en Kabylie, à près de 120 km au Sud-est d’Alger. Il y séjourne d'avril à décembre 1956. Il commande beaucoup de pellicule en achat groupé et commence à filmer depuis le départ de la caserne Charner de Saint-Brieuc, puis la traversée en paquebot et l'arrivée à Alger. Il a également filmé le défilé du 14 juillet, les tempêtes de sable, l'interrogatoire d'un fellagha, les baignades de la troupe en bord de mer. Il a été libéré en décembre 1956.
Ce sous-officier, il est sergent-chef, part avec ses deux appareils. Ainsi il confie en 2015 à Jean-Pierre Bertin-Maghit (Lettres filmées d’Algérie. Des soldats à la caméra. 1954-1962, p.67) : « Je me suis dit que contre mauvaise fortune fallait faire bon cœur, autant essayer d’y aller de façon volontaire et si possible agréable. C’est la raison pour laquelle je me suis dit, je vais prendre mon appareil photo et ma caméra autant que faire se peut, faire des films et des photos. » Il utilise sa caméra lorsqu’il est en tenue militaire, plus pratique grâce aux grandes poches, et réserve l’appareil photo pour les permissions à Alger en tenue civile.
Contrairement à la plupart des soldats-cinéastes amateurs, il garde ses bobinos pendant sa période en Algérie et les développe à son retour en métropole.

Des dizaines d’années plus tard, c’est pour la conservation de la mémoire d’« une période très particulière » vécue que Roland Lemesle dépose ses images à la Cinémathèque de Bretagne. « Ce n’est qu’après, par différents échos que j’ai eus, que je me suis aperçu que ces images pouvaient être intéressantes parce qu’elles avaient été prises sur le vif sans esprit de propagande, contrairement au cinéma des armées » (J.-P. Bertin-Maghit, Op. cit., p.36).

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