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Danses du sud [11375]

Film amateur
Danses traditionnelles du sud algérien : les hommes du désert pratiquent la "danse du fusil", "danse Nègre", "danse Ouled-Naïl" (avec femmes costumées).
Complément : les Ouled-Naïl. À l'origine, les Ouled-Naïl sont des monts qui continuent l'Atlas Saharien. Ils se situent au Nord de Laghouat. Les femmes Ouled-Naïl, en vendant leur corps pour des écus en or transmis dans des écrins, s'en faisaient des colliers de Louis d'or. Elles les exhibaient toute la journée. Puis lorsqu'elles en avaient assez, elles se faisaient construire une maison et se mariaient. Les Ouled-Naïl appartiennent à deux groupes minoritaires en Algérie. Ils possèdent leurs propres us et coutumes. Ils forment une confédération. Les jeunes filles sont placées très jeunes dans les oasis où elles dansent et sont des filles de joie. Lorsque les Français arrivent à Laghouat, la ville est occupée par deux communautés distinctes : les Ouled-Serghine au Sud et les Hallaf au Nord. Ces deux groupes étaient souvent en lutte. A Laghouat, chaque printemps des fêtes très locales sont organisées. Danses soudanaises, fantasias, "mbita" des Ouled-Naïl (danses) sont organisées.
 
Ce film fait partie d'un corpus analysé par les historiens et enseignants Gilles Ollivier, Vincent Marie et Reynald Derain dans le cadre du dossier pédagogique D’un regard à l’autre : L’Algérie coloniale, la guerre d’indépendance au miroir des cinémas amateur et militant.
 
Filmer les danses traditionnelles est récurrent chez les cinéastes amateurs. Pour certains cinéastes comme Albert Weber, qui réside en Algérie et pratique le tourisme local, c’est l’occasion de découvrir de nouveaux aspects culturels auprès des populations colonisées.
 
Albert Weber filme avec la volonté de documenter les cultures traditionnelles présentes en Algérie. Il observe attentivement les danseuses et danseurs, mais aussi les musiciens, qui jouent avec la caméra, peut-être sur demande. Il est dommage que les films soient muets, il aurait pu être intéressant d’entendre quel type de musique, de rythmes, sont utilisés pour chacune des danses. Seul le film Danses du Sud est sonore, ce qui est l’exception du corpus de films amateurs analysés. Grâce au son, on peut entendre Albert Weber commenter ses images, avec un accent alsacien très prononcé (rappelons qu’il a passé toute son enfance et adolescence en Alsace, alors encore rattachée au Reich allemand) et un accent algérien. Il souligne l’importance des armes dans certaines fêtes, la musique et les instruments essentiels pour accompagner les chants en langue locale pour « danser jusqu’à épuisement ».
Il est important de noter que les danseurs et danseuses sont à chaque fois en tenue traditionnelle.
 
Autre élément important à souligner : l’appellation des films faite par Albert Weber. Outre les titres classiques comme Danses du Sud, il nomme un de ses films Danses nègres. Le terme "nègre" est historiquement associé à l'esclavage, la colonisation et le racisme. Par cette appellation, l’usage de ce mot et de l’imaginaire colonial qui en découle, Albert Weber s’inscrit totalement dans l’esprit colonial européen qui s'exprime par ailleurs dans la littérature anglaise avec les romans d’Agatha Christie, dont les Dix petits nègres (1939) et toute une série d’enquêtes en Orient, ou la bande dessinée belge avec notamment Tintin au Congo (1931) d’Hergé. Les films d'Albert Weber témoignent de cette transmission de clichés ethnocentrés via l’image animée. La vision héritée des siècles antérieurs est encore dominante dans les années 1950, alors même que les théories raciales sont battues en brèche au lendemain de la Shoah, comme l'atteste Le Courrier, organe de presse, publié par l'UNESCO en 1950 affirmant que "l'humanité est une".
 
Albert Weber a beaucoup filmé les Ouled Naïl, que l’on retrouve également dans les films Danses du Sud, où il les décrit comme des danseuses et des « filles de joie » parées de bijoux, qui sont à la fois le reflet de leur richesse mais aussi une « arme défensive » selon le cinéaste amateur. Les femmes costumées apparaissent dans un troisième temps dans le film, après une danse du fusil et une danse d’une autre tribu arabe du Nord du pays, et dans Danses nègres et Ouled Naïls, où une jeune fille apparaît avec un collier d’écus, filmée avec insistance, comme un portrait.
Albert Weber, un cinéaste amateur sur tous les fronts.

Albert Weber (1905 - 1992) est né à Thann, dans le Sud de l’Alsace. Il suit des études de médecine et s’oriente vers la chirurgie-dentaire. En 1925, il incorpore les services de santé de l’armée à Lyon, avant d’être envoyé à Beyrouth l’année suivante. En 1936, il part pour l’Algérie dans le cadre d’un nouvel engagement auprès de l’Armée française, notamment pour l’Hôpital de Laghouat. Plus précisément, il est conventionné par l’Armée pour des missions médicales dans le M’Zab. Il s’agit d’une région berbérophone au nord du Sahara algérien, à environ 400 km d’Alger, traversée par un oued (fleuve) éponyme, d’une superficie d’environ 8000 km2 et de près de 200 000 habitants environ, dont la ville principale est Ghardaïa. C’est là qu’il commence à filmer en amateur et rencontre également sa future épouse, Andrée, institutrice d’origine bretonne.

Durant les vingt-six années passées en Algérie, Albert Weber filme énormément, la région lui servant en quelque sorte de laboratoire pour apprendre et se perfectionner. Il utilise d’abord le 9,5 mm noir et blanc, par la suite il s’adapte aux nouveautés sur le marché de l’audiovisuel amateur. En 1942, il change son format de film au profit du 16mm, d’abord noir et blanc puis en couleur. Grâce à sa caméra, Albert Weber se place, dans la région de Laghouat, au sud de l’Algérie, comme une véritable figure du cinéma amateur. Par ses films, nous pouvons aisément connaître sa vie et ses engagements car il filme dès qu’il en a l’occasion. Ainsi, il tourne un peu sur tous les fronts, de l’armée aux cultures sahariennes vues par un œil européen en passant par la médecine, l’urbanisme ou encore ses engagements associatifs.

Certains films ont également été utilisés pour financer des œuvres caritatives, telles que la Croix-Rouge ou l’Association des Amis du Sahara, et d’autres récompensés, comme par exemple Images Sahariennes (1949), premier prix de cinéma amateur, ainsi que Missions Ophtalmologiques la même année. Dans les années cinquante, Danses du Sud est primé à un festival d'Alger. Étrangement, Albert Weber ne filme pas ce qui pourrait se rapporter directement à la guerre d’Algérie, qui est un peu moins présente dans le sud de l’Algérie, alors que de nombreuses images sont tournées au cœur de défilés militaires, dont un quelques mois après l’indépendance.

Dès 1963, quelques mois après l’indépendance, Albert Weber et sa femme sont contraints de quitter l’Algérie, comme de nombreux Français. Ils s’installent tous les deux en Bretagne, à Pontrieux dans les Cotes-d’Armor. Albert Weber continue de tourner des films, en Bretagne et ailleurs en France, notamment en Alsace, sa terre natale. Durant les dernières années de sa vie, il s’engage un peu plus dans la commune. Il siège au Conseil municipal de Pontrieux dès 1965 et est élu maire divers gauche entre 1971 et 1983. Il y vit jusqu’à sa mort et la petite ville se retrouve au cœur d’un certain nombre de films, comme Laghouat l’était lorsqu’il vivait en Algérie. En 1984, il range définitivement sa caméra après le carnaval de Pontrieux, ville où il décède en 1992.

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