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Fêtes des écoles en Bretagne et en Algérie [13173]

Film amateur | Bretagne
Fête des écoles publiques à Guingamp en 1958 : des femmes en robes blanches défilent sur un terrain, de nombreux spectateurs. Une fanfare joue. Démonstration de de gymnastique des enfants : saut de cheval.
Danse en binôme des enfants, les garçons en costume et béret rouge, les filles en robe. Danse en ronde.
Gymnastique synchronisée de filles, en tenue rouge ou noir. Mise en scène d’enfants déguisés en bergers.
Danse du mât de mai.
Grande ronde traditionnelle bretonne, les garçons en pantalon noir, les filles en robes colorées.
Diverses danses traditionnelles. Techniques de gymnastique synchronisées avec de nombreux enfants. Des élèves en chemise rouge et casquette blanche jouent de la flûte. Des filles dansent avec des rubans. Une fanfare adulte : tambours, flûte, cornemuse. Danses et gymnastique.

Fête de la mi-carême en 1959 à l’école du Schettet, Laghouat : nombreux enfants déguisés en Pierrot, pirates, marins, fleurs, indiens, fées…
Une mère filme, face à la caméra.

Fête scolaire à Laghouat en 1959.
Des enfants présentent un spectacle, déguisés en ânes, nains, musiciens, rois et reines. La foule d’enfants spectateurs, assis dans la cour.
Des enfants sur scène sont déguisés en canetons.
Vues du spectacle : danses, salut, rideau. Panoramique des spectateurs.

A l’extérieur, devant un mur, les enfants posent, dans leurs déguisement, face à la caméra. Plans serrés, ils saluent l’objectif.

Intérieur, dans une longue salle, des enfants sont installés devant des tables longeant les murs, laissant l’espace central libre. Au fond de la salle, des enfants sont assis au sol sous le tableau.

Des enfants en habits très colorés posent devant la caméra, à l’extérieur. Ils miment des mouvements avec leurs mains, synchronisés. L’enseignante semble leur donner des consignes. D’autres enfants posent, déguisés en costumes traditionnels bretons. Un enseignant, tel un chef d’orchestre, coordonne les enfants qui chantent. Les enfants avancent en rond, dans leurs costumes. Ils dansent en ronde de quatre, se tenant la main.
 
Ce film fait partie d'un corpus analysé par les historiens et enseignants Gilles Ollivier, Vincent Marie et Reynald Derain dans le cadre du dossier pédagogique D’un regard à l’autre : L’Algérie coloniale, la guerre d’indépendance au miroir des cinémas amateur et militant.
 
Entre 1958 et 1959, Albert Weber réalise le film Fêtes des écoles en Bretagne et en Algérie, en couleur. Après une fête d’une école à Guingamp, il revient en Algérie pour filmer la même chose, à deux moments de l’année scolaire : vers la mi-carême donc vers mars et à la fin de l’année donc vers juin.
 
La partie tournée à Laghouat démarre au TC 11:08:08 sur le film et dure jusqu’à la fin, soit presque 7 minutes 30. Les deux fêtes d’école sont assez similaires : des enfants se déguisent et s’amusent, parfois avec des jeux, d’autres fois sur une scène dans un spectacle. On remarque que, comme en métropole, garçons et filles ne sont pas souvent mélangés sur les images, du fait de la séparation des classes selon le sexe plutôt que l’âge. Le niveau scolaire des élèves n’est pas indiqué, mais les images, les jeux et costumes laissent penser qu’ils doivent être en maternelle ou au début de l’école primaire. Les enfants sont encadrés par les instituteurs et institutrices dans les activités proposées. Dans la cour de l’école, le conflit qui gronde en Algérie semble très lointain, les enfants s’amusent, les parents, endimanchés, et les enseignants semblent heureux d’assister à ces fêtes. Une mère est même présente face caméra avec un appareil photo (TC 12:07:12).
 
L’école est un levier primordial pour l’avenir de l’Algérie, puisque les enseignants, la plupart du temps venant de la métropole, sont là pour enseigner le français, l’Histoire de France, les valeurs de la France aux enfants, qu’ils soient pieds-noirs ou Algériens. Néanmoins, le film reste uniquement dans la cour de l’école, Albert Weber ne parcourt pas les bâtiments avec sa caméra, et il n’assiste pas non plus aux cours. L’usage scolaire du cinéma est en pleine expansion dans les années cinquante, plus que durant l’entre-deux-guerres, et il est stratégique pour le gouvernement français dans certains territoires. En Alsace comme en Bretagne depuis l’entre-deux-guerres, le cinéma est utilisé dans les écoles, ainsi que dans les salles de projection, dans un but de francisation de la population, notamment par la langue et les valeurs morales et patriotiques. Pour l’Alsace, cela est abordé par Odile Gozillon-Fransacq dans sa thèse Cinéma et Alsace, stratégies cinématographiques (1896-1939), soutenue en 2002 à l’Université de Strasbourg.
Il n'est pas étonnant que les différents ministères usent de la même « stratégie » de francisation pour les espaces algériens, notamment dans les écoles. Par ailleurs, Marion Hulverscheidt évoque dans son article « Der Weg in die Welt – Les films de propagande pour les écoles coloniales allemandes » (dans l’ouvrage collectif Le pré-programme, 2015, pp. 335-358) un usage particulièrement abondant du cinéma dans les écoles coloniales allemandes, notamment dans le but de justifier la colonisation et d’en montrer les bienfaits. Le cas allemand est un peu différent car les films s’inscrivent dans une logique de reconquête des colonies perdues entre 1919 et 1942, période de fin du colonialisme allemand. Dans un contexte différent, la France a également utilisée le cinéma pour apaiser les tensions et continuer à marche forcée l’intégration de l’Algérie à la France. D’autant plus que les organes cinématographiques pouvant fournir des films de propagande sont nombreux (Actualités Françaises, Service cinématographique des armées, etc.) et très prolifiques.
 
Albert Weber, un cinéaste amateur sur tous les fronts.

Albert Weber (1905 - 1992) est né à Thann, dans le Sud de l’Alsace. Il suit des études de médecine et s’oriente vers la chirurgie-dentaire. En 1925, il incorpore les services de santé de l’armée à Lyon, avant d’être envoyé à Beyrouth l’année suivante. En 1936, il part pour l’Algérie dans le cadre d’un nouvel engagement auprès de l’Armée française, notamment pour l’Hôpital de Laghouat. Plus précisément, il est conventionné par l’Armée pour des missions médicales dans le M’Zab. Il s’agit d’une région berbérophone au nord du Sahara algérien, à environ 400 km d’Alger, traversée par un oued (fleuve) éponyme, d’une superficie d’environ 8000 km2 et de près de 200 000 habitants environ, dont la ville principale est Ghardaïa. C’est là qu’il commence à filmer en amateur et rencontre également sa future épouse, Andrée, institutrice d’origine bretonne.

Durant les vingt-six années passées en Algérie, Albert Weber filme énormément, la région lui servant en quelque sorte de laboratoire pour apprendre et se perfectionner. Il utilise d’abord le 9,5 mm noir et blanc, par la suite il s’adapte aux nouveautés sur le marché de l’audiovisuel amateur. En 1942, il change son format de film au profit du 16mm, d’abord noir et blanc puis en couleur. Grâce à sa caméra, Albert Weber se place, dans la région de Laghouat, au sud de l’Algérie, comme une véritable figure du cinéma amateur. Par ses films, nous pouvons aisément connaître sa vie et ses engagements car il filme dès qu’il en a l’occasion. Ainsi, il tourne un peu sur tous les fronts, de l’armée aux cultures sahariennes vues par un œil européen en passant par la médecine, l’urbanisme ou encore ses engagements associatifs.

Certains films ont également été utilisés pour financer des œuvres caritatives, telles que la Croix-Rouge ou l’Association des Amis du Sahara, et d’autres récompensés, comme par exemple Images Sahariennes (1949), premier prix de cinéma amateur, ainsi que Missions Ophtalmologiques la même année. Dans les années cinquante, Danses du Sud est primé à un festival d'Alger. Étrangement, Albert Weber ne filme pas ce qui pourrait se rapporter directement à la guerre d’Algérie, qui est un peu moins présente dans le sud de l’Algérie, alors que de nombreuses images sont tournées au cœur de défilés militaires, dont un quelques mois après l’indépendance.

Dès 1963, quelques mois après l’indépendance, Albert Weber et sa femme sont contraints de quitter l’Algérie, comme de nombreux Français. Ils s’installent tous les deux en Bretagne, à Pontrieux dans les Cotes-d’Armor. Albert Weber continue de tourner des films, en Bretagne et ailleurs en France, notamment en Alsace, sa terre natale. Durant les dernières années de sa vie, il s’engage un peu plus dans la commune. Il siège au Conseil municipal de Pontrieux dès 1965 et est élu maire divers gauche entre 1971 et 1983. Il y vit jusqu’à sa mort et la petite ville se retrouve au cœur d’un certain nombre de films, comme Laghouat l’était lorsqu’il vivait en Algérie. En 1984, il range définitivement sa caméra après le carnaval de Pontrieux, ville où il décède en 1992.

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