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Glénans (Les) [4819]

Film professionnel | Bretagne
Pêche au large de l'archipel des Glénan ; requins Pèlerin ; pêcheurs ; bateaux ; un plan de la cale ; une vue générale de l'île.
Anita Béatrix Marthe Conti (1899 - 1997) naît en 1899 dans le Val d’Oise. Ses parents, Léon Caracotchian, médecin, et Alice Lebon, lui inculquent le goût du voyage. Dès son plus jeune âge, ils sillonnent l’Europe et Anita Caracotchian y nourrit un intérêt naissant pour les voyages et la nature. En 1914, sa famille se réfugie du grondement de la première guerre mondiale sur l’île d’Oléron. Elle y affine ses goûts et s’adonne à la voile, la lecture ou encore la photographie. Les deux passions qui l’animeront tout au long de sa vie se révèlent alors : les livres et la mer.

Après la Première Guerre mondiale, Anita Caracotchian s’installe à Paris et devient relieuse d’art. Son travail est vite reconnu et plébiscité, notamment par le journal culturel Comoedia, qui dit s’attendre à la voir devenir cheffe d’école. Son style est unique et imprégné de ses voyages et ses lectures. Elle réalise par exemple des peaux qu’elle teint d’après des recettes apprises dans le Caucase. Ces innovations et la personnalité de son travail sont nourries par ses voyages en Orient et attirent l’attention de nombreux collectionneurs et amateurs. Son atelier parisien accueille notamment Pierre Mac Orlan, qui la surnomme “celle qui écoute parler les livres”. Avant d’arrêter sa carrière de relieuse d’art en 1939, elle est récompensée par de nombreux prix dans des salons prestigieux, comme le Salon d’Automne ou le Salon des Arts Décoratifs.

En parallèle, Anita Caracotchian devient Anita Conti, puisqu’elle se marie en 1927 avec Marcel Conti, un diplomate français. Durant ses nombreux voyages, Anita Conti utilise son RolleiFlex pour réaliser des photographies scientifiques et artistiques. Les voyages s’enchaînent, et son goût pour l’océan s’accentue. Anita Conti se rend en 1932 à Terre Neuve, sur le navire océanographique “Ville d’Ys”. Elle s’appuie sur les photos et observations recueillies lors de ses voyages pour écrire des articles scientifiques remarquables, et est ainsi embauchée en 1934 par l’Office Scientifique des Pêches Maritimes (OSTPM). Alors, elle réalise les premières cartes de pêche jusqu’ici inexistantes, qui apportent un complément indispensable aux traditionnelles cartes de navigation.

Ses voyages et missions se multiplient, elle embarque plusieurs mois sur les Terre-Neuvas, et observe ainsi la pêche à la morue. De novembre 1939 à janvier 1940, elle embarque sur des dragueurs de mines en Manche et en mer du Nord et participe aux déminages à Dunkerque. Elle est aujourd’hui la première et seule femme mobilisée par la Marine Nationale à bord de ce type de navires.

Ses missions lui permettent également de mener à bien des projets humanistes. En 1943, Anita Conti entame une recherche commandée par le gouvernement d’Alger à propos des ressources de poissons de l’Afrique de l’Ouest et le développement de la pêche traditionnelle. Ces recherches durent près de dix ans, et lui permettent d’étudier la Mauritanie ou encore le Sénégal, en passant par la Guinée. Elle travaille alors sur les fonds marins, les poissons et leurs valeurs nutritives, et permet d’améliorer les techniques de conservation. Elle fonde aussi une pêcherie expérimentale de requins, et devient un élément moteur de la lutte contre la malnutrition. Mais ce combat n’est pas pour Anita Conti une raison d’exploiter et de malmener les océans. Ainsi, parallèlement aux missions qu’elle mène en Afrique, elle commence en 1943 des recherches de plus de dix ans sur les pêcheries expérimentales le long des côtes de l’Afrique Occidentale Française. Elle y tire des conclusions alarmistes sur la surexploitation des océans, et les conséquences d’une pêche déjà intensive et destructrice. Cette prise de conscience environnementale lui permet de lutter contre la malnutrition tout en favorisant la pêche responsable.
Elle prend ensuite ses distances des institutions françaises et africaines, en créant sa propre entreprise au Sénégal pour améliorer le régime alimentaire des populations tout en favorisant la pêche locale. Anita Conti rentre cependant à Paris en 1952.

Dans la même année, celle qui est surnommée “La Dame de la mer” embarque pour cinq mois sur un Terre-Neuva, entourée de soixante hommes. Équipée de son appareil photo, d’une caméra 16mm et d’un contrat d’édition pour un livre retraçant son odyssée, Anita Conti est la première femme française à se rendre sur de grandes zones de pêche. Elle s’intègre parfaitement à l’équipage, et observe minutieusement le travail acharné de ces “bagnards de la mer”. Elle note leur organisation exemplaire, et rend compte de leur quotidien dans son film documentaire “Racleurs d’océans” conservé à la Cinémathèque. Le film montre ainsi des images de pêche où les marins travaillent dur sur le bateau qui gîte, balayé par les embruns. Mais aussi des images de camaraderie, où les membres de l’équipage se taillent la barbe, rient, créent un esprit familial sur ce navire qui les emmène loin des leurs le temps de quelques mois. De cette expédition sortent des milliers de photographies, des kilomètres de pellicules réunies dans le film “Racleurs d’océans”, et un ouvrage du même titre qui remporte en 1954 le Prix Viking.

Anita Conti mène aussi des recherches sur l’aquaculture, en proposant d’élever des poissons dans leur milieu naturel dans des cages immergées. Elle développe ainsi des pêcheries et fermes aquacoles sur la Côte africaine, la Mer Adriatique et la Mer du Nord entre 1947 et 1962. C’est une pionnière dans le domaine de l’aquaculture, et est appelée par le Commandant Cousteau en 1960 au Musée océanographique de Monaco pour poursuivre ses recherches sur l'aquaculture, les filets sélectifs et la surexploitation des ressources halieutiques.

Anita Conti décède en 1997 et laisse derrière elle de nombreux ouvrages dont deux emblématiques, “Racleurs d’océan” et “Géant des mers chaudes”. Ses photographies sont mises à l’honneur dans un ouvrage de Laurent Girault-Conti, son fils, et l’amiral François Bellec : “Anita Conti, les Terre-Neuvas”, paru en 2004.

Ses films sont moins connus du grand public mais mis à l’honneur à la Cinémathèque de Bretagne. Le fond conservé par la Cinémathèque de Bretagne rassemble des films documentaires tournés entre 1950 et 1978, pour la plupart en 16 mm, en couleur et muets. Derrière l’objectif, Anita Conti filme le continent Africain autour de Dakar ou en Guinée, montre sa perspective et celle d’autres colons lors de leurs venues dans les colonies françaises. Ces images rassemblent des scènes de prières musulmanes, musiques et danses traditionnelles, et même une scène de manifestation en Guinée en 1954, menée par Ahmed Sekou Touré qui deviendra président de la Guinée en 1958 lors de son indépendance.
`Les archives de la Cinémathèque de Bretagne regorgent d’images où Anita Conti filme le quotidien des navires sur lesquels elle embarque comme celui du Tohy, petit bateau de pêche qu’elle filme notamment dans la baie de Concarneau. Entre deux observations scientifiques, les carnets de notes de l’océanographe regorgent de poésie, une autre de ses passions. Nous pouvons ainsi y lire “Sur des flots immensément pareils et sans fin dissemblable, vers les horizons qui reculent, vers les étoiles qui vont naître, vers l’infini du bleu qui va noircir, un navire emporté jusqu’au bord du ciel, de ses parois de fer il déchire les eaux et moi, en lui, prisonnière”.

Anita Conti est une personnalité emblématique de l’histoire de l’exploitation des océans. Scientifique rigoureuse, ethnographe aguerrie, ses études de la mer et des pratiques de pêches intensives en font une précurseure d’enjeux environnementaux majeurs et actuels. Bien au delà des travaux scientifiques, ethnographiques et artistiques qu’elle mènera jusqu’à plus de 88 ans, Anita Conti est une femme du XXe siècle qui à intégré tout au long de sa vie des cercles masculins. D’abord en tant que relieuse d’art, puis en tant qu’océanographe, autrice, et photographe, la “Dame de la mer” était bien souvent la seule femme présente, devant trouver sa place au milieu d’hommes. Mais cela ne l’a jamais empêchée de mener à bien ses missions et odyssées. Puisque lorsqu’on lui demandait si elle était un “garçon manqué”, elle répondait tout simplement être une “femme réussie”. Et lorsque Christine Garnier lui demande en 1960 pour La revue des deux mondes, comment fait-elle pour entretenir autant d’activités et professions, Anita Conti lui répond “Oh, le temps… La vie est si brève, il faut faire le plus de choses possible. Choisir, c’est sacrifier quelque chose. Alors, l’Océan, les livres… Tour à tour, j’ouvre des tiroirs. L’important c’est de ne pas penser à soi, de ne jamais revenir vers soi”.

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