Ils sont jeunes, vivent dans un paradis terrestre, et pourtant ils se suicident. Sur les rives des fleuves Maroni et Oyapock, une funeste épidémie se répand depuis des années parmi les communautés amérindiennes de Guyane.
Ces passages à l’acte sont des expressions individuelles d’une situation collective dramatique. Depuis des décennies, les Amérindiens voient leur culture se dissoudre au contact de la modernité et leur terre souillée par l’orpaillage illégal. A l’assimilation à marche forcée se sont rajoutés la rupture du lien intergénérationnel, les échecs scolaires, l’alcool et la drogue. Tous les composants d’un ethnocide sur le sol de France. Les jeunes amérindiens sont perdus sur leurs propres terres ancestrales. En leur donnant la parole le film dresse un constat amer de la situation.
Le tableau est sombre mais un tournant est peut-être en train de se jouer. Une nouvelle génération d’Amérindiens cherche à prendre en main son avenir, consciente que les solutions ne viendront pas de l’extérieur, mais d’eux-mêmes.
Pour tourner ce film nous avons pris le parti d'aller tourner pendant les vacances scolaires de la Toussaint. Un moment particulier où beaucoup de jeunes rentrent dans leur village. Nous souhaitions donner la parole à ces jeunes amérindiens en évitant les discours institutionnels ou ceux des représentants de l’État et de la Collectivité Territoriale. Nous avons construit ce film avec des personnages et des rencontres en captant leurs paroles et leur quotidien.
Le film s’articule autour de deux personnages principaux : Aiku et Christophe Pierre. Le premier vit sur le Haut Maroni, le deuxième à Cayenne.
Aiku a connu un moment de désespérance qui aurait pu le conduire à une issu fatale. L’expression des sentiments personnels ne fait pas partie de la culture locale et c'est avec des mots rares et difficiles qu’il nous parle de ce moment douloureux où tout a failli basculer. Aiku a réussi, à sa manière, à se reconstruire. Il cherche aujourd’hui à retrouver ses racines pour s’accepter et être de nouveau fier d’être un Amérindien. Il souhaite maintenant protéger ses propres enfants du gouffre qu’il a connu. Même s’ils vont à l’école et au collège de Maripassoula il veut leur transmettre les bases des savoirs traditionnels de ses ancêtres : les indiens Wayanas qui vivaient du fleuve et de la forêt.
A Cayenne Christophe Pierre défend et revendique son identité, seule façon pour lui de ne pas perdre pied dans le monde en pleine mutation des Amérindiens. Déterminé, revendicatif, il consacre son énergie à ai- der d’autres jeunes à monter des projets locaux, avec comme leitmotiv, l’action pacifique comme base à toute mobilisation. Christophe est un guerrier du progrès. Son idée est de permettre aux Indiens de devenir acteurs de leur destin La solution ne viendra donc pas de l’isolement, bien au contraire. C’est ensemble qu’ils devront faire le pont entre leur passé et leur avenir.
L’un et l’autre ont choisi des voies différentes pour accepter de vivre pleinement dans le monde tel qu’il est. En ville, à Cayenne et à St Laurent, ou très loin le long du fleuve à des heures et des heures de pi- rogue, ils nous font comprendre le profond malaise silencieux qui imprègne toutes les communautés amérindiennes de Guyane.